C’est grâce à la sociabilité sans équivoque d’une bonne amie en commun que Flo et Gui se rencontrent en l’an de grâce deux mil dix-huit, dans un des lieux de prédilections du partage humain et communautaire : un bar. Ce n’est que de nombreux mois avant d’équiper le Chef Raide d’une borne arcade que le futur duo y partage une pinte festive et se lie d’amitié autour d’une obscure référence au sujet d’un certain jus de tomate.
Les semaines passant et les réflexions philosophiques sur le monde qui les entourent s’enchaînant, Gui évoque un jour au fil de la discussion son vieux projet de fabriquer un bar en bois de palette dans son appartement. Flo montrât un intérêt tout particulier à cette réalisation ligneuse, au grand étonnement de Gui qui ne se voyait pas entreprendre telle épopée en solitaire. Les deux compères, ragaillardis par l’idée, profitèrent de l’absence du colocataire dans l’appartement la semaine suivante pour le transformer en atelier temporaire de confection de meuble.
Ponçant, fraisant, rabotant, perçant, ciselant, vissant… Flo et Gui se découvrent une complémentarité technique et artistique dans le travail du bois, l’un défendant les aspects mécanique et physique d’un meuble l’autre prônant les avantages de l’esthétique et de la finition d’une telle réalisation. Les occasionnels désaccords conceptuels font rapidement l’objet d’un débat d’idées, menant toujours à un compromis optimal pour les deux membres de la jeune équipe. L’entente ainsi mise au devant de la scène fait fulminer les projets et de nouvelles idées émergent…
Flo a toujours voulu gérer son affaire. Gui rêve de décider de ses projets. Le travail du bois est fascinant pour l’un comme pour l’autre. L’occasion est trop belle : tous deux ingénieurs de formation, c’est en trinquant sur le bar flambant neuf qu’ils décident d’aller s’inscrire dès le lendemain afin de se former pour devenir, plus tard, ébénistes.
Flo
“Pourquoi est-ce que je le ferais à la main puisque je peux le faire à la machine ?”
Né en 1992 dans le Calvados, il fait ses études à Caen, classe préparatoire et intègre l’École Nationale Supérieure des Arts et Métiers à Lille. 3 ans plus tard diplôme en poche, il travaille en tant qu’ingénieur conception de machines spéciales où il imagine, dessine, et gère la fabrication et la mise en marche de machines de production pour l’industrie automobile.
Il est passionné par la création, sortir l’idée de son esprit pour pouvoir la toucher. Et après son licenciement économique au bout de 3 ans de service, la question qui le mena à l’ébénisterie fût la suivante : “Qu’est-ce que je veux faire ? Qu’est-ce que j’aime faire ? Fabriquer des machines qui fabriquent par millier une petite pièce qui se trouve dans la nouvelle pompe à diesel à l’intérieur du tout nouveau moteur de l’énième nouvelle voiture allemande ? La voiture version 2018 ne suffisait-elle pas, faut-il toujours en fabriquer des nouvelles avec l’option gadget qui va vous changer la vie ?”
Stop à la surconsommation absurde, il ne veut plus participer à cela. Toutes ces questions il se les est posées quand il s’amusait à travailler le bois pour le plaisir. Ce fût la révélation : “C’est ça que je veux faire ! Je dirais même plus : c’est ça que je vais faire ! Travailler le bois, fabriquer des objets utiles, de beaux objets en bois qui réchauffent une pièce, qui réchauffent les esprits, qui réchauffent le cœur.”
Hop, direction l’institut Lemonnier à Caen en 2019 pour apprendre, CAP ébénisterie d’un an pour maîtriser le ciseau à bois et la scie à format. Fort de son expérience d’ingénieur en conception, et de ses nouvelles capacités à travailler lui-même le bois, il est temps de se lancer dans cette nouvelle aventure PABANAL.
Son ambition : fabriquer des objets utiles et beaux, mélanger la classe intemporelle du bois et la technologie (c’est le côté ingénieur) pour mettre en œuvre ses idées farfelues et celles des autres, au service de la communauté.
Gui
“Pourquoi est-ce que je le ferais à la machine puisque je peux le faire à la main ?”
C’est après un parcours scolaire hasardeux et un baccalauréat dans une filière qu’on lui imposât que Gui se découvre finalement, à l’université, un domaine qui le passionne : l’informatique, et plus précisément le développement.
Cinq années d’études et d’intérêt grandissant pour ce domaine lui permettront d’accéder au Graal du marché de l’emploi qu’est la signature d’un CDI. Fier d’être parvenu jusque-là, un avenir prometteur s’offrant à lui, Gui eût pu alors se reposer sur ces lauriers ; c’était cependant sans compter sur la terrible désillusion du monde du travail…
Mois après mois la vision féérique de la vie de bureau s’entache, des dysfonctionnements qui étaient jusqu’alors inexistants à l’université surgissent : l’attrait presque exclusif pour la réduction des coûts et la rapidité d’exécution des objectifs, le travail vite fait mal fait, le manque d’ergonomie et de détails dans les interfaces, d’optimisation dans les algorithmes, l’absence de beauté dans le code source (car oui, du code informatique, cela peut être beau), le manque d’humanité de l’ordinateur, de son écran froid et de son clavier au son de plastique, les stratégies commerciales douteuses… Incapable de continuer à renier ainsi ses valeurs, celles entre autres de l’entente intellectuelle sur un projet commun, de la recherche de la perfection, de la volonté de partager de manière inconsidérée ses connaissances et ses savoirs, c’est à vingt-sept ans qu’il opère un drastique changement d’orientation pour se plonger éperdument dans l’ébénisterie.
Il se rend compte que son esprit résolument matheux rend le tracé des épures et des perspectives aisé, que de se représenter mentalement un assemblage voire un meuble entier relève de l’évidence. La géométrie, qu’il affectionnait tant sur les bancs de l’école, devient un art détaillé dont on peut sans cesse repousser les limites, les calculs mentaux une routine quotidienne.
Il y retrouve, en plus de ses affections pour les sciences et la logique, la joie d’apprendre et de découvrir, le plaisir de lire le bois, de le façonner, de partir d’une grume pour en obtenir des planches puis un meuble, de répéter un processus de confection bien précis tout en ayant l’impression de le réinventer à chaque nouvelle pièce que l’on créé. Contrairement à l’informatique et à son très célèbre “Ctrl + Z” le droit à l’erreur n’est plus permis et chaque trait de scie, chaque cisaillement, chaque geste implique une extrême rigueur et une concentration infaillible afin de révéler toute la beauté du bois.
Passionné comme rarement il l’a été, curieux, avide de savoir et encouragé à perfectionner son travail par ses professeurs, il poursuivra son apprentissage auprès d’eux dans le cadre du Brevet des Métiers d’Arts, études qu’il poursuit encore aujourd’hui.